Avant d’agir, le plaignant doit déterminer à partir des textes de loi ou les règlements de copropriété si la nature des nuisances dont il s’estime victime sont véritablement répréhensibles.
Des talons intempestifs qui claquent toute la journée sur un parquet, une enceinte bluetooth poussée le temps d’une soirée à son niveau sonore maximum, les aboiements passagers et saccadés d’un chien, les vibrations continues d’une ventilation mécanique, les claquements d’un marteau, les courses brutales et autres concerts de hurlements renvoyés par l’écho de la cage d’escalier…. A partir de quels degrés d’intensité et de récurrence ces désagréments, souvent vécus par ceux qui les subissent comme un manque de respect, parfois même comme des provocations ou des actes délibérés, franchissent-ils les seuils légaux de tolérance ? En d’autres termes : où commencent et s’arrêtent les limites du supportable ?
Une notion juridique : le trouble anormal de voisinage
Ces faits, si banals en logements collectifs, sont la source potentielle d’interminables conflits entre propriétaires ou locataires d’un même immeuble. Faute d’entente, de discussions et de règlements à l’amiable dans la sphère privée, il arrive que ces litiges finissent sur les bureaux des tribunaux et alimentent l’abondante jurisprudence applicable à ce que le droit nomme les « troubles anomaux de voisinage ».
Ce terme juridique comporte la notion d’« excès » qui le distingue des inconvénients dits « normaux » liés à la simple proximité de plusieurs habitants (le bruit d’un porte qui claque sur un palier par exemple, ou d’une voiture qui se gare sur le parking de la résidence).
La loi caractérise l’anormalité d’une nuisance à sa fréquence et sa durée, mais aussi au moment particulier où elle se produit. Certains de ces critères divergent selon que le dérangement a lieu en journée ou pendant la nuit.
Dans le premier cas (le jour), il doit être intense, répétitif et long, quelle que soit sa source : une personne (cri, pas), un objet ou un équipement (machine à laver, chaîne hifi) ou un animal (aboiements).
Dans le second (la nuit), l’infraction de tapage nocturne peut être reconnu même si les trois conditions précédemment citées ne sont pas réunies : en théorie, les faits sont donc caractérisés si le trouble constaté est ponctuel, modéré et court, si son auteur a conscience de la gêne occasionnée et ne prend pas les dispositions nécessaires afin d’y remédier. Ici c’est le moment auquel le(s) bruit(s) survient qui importe, bien que la loi ne fixe pas de cadre horaire précis. Un bruit qui intervient entre le coucher et le lever du soleil est « nocturne ». L’usage et la plupart des règlements municipaux retiennent toutefois la tranche 22 heures-7 heures.
Que faire si ces dérangements se multiplient ?
- La discussion
Le dialogue est d’abord à privilégier car l’auteur du trouble n’a pas forcément conscience des conséquences de ses agissements. Sur un ton calme et cordial, un simple rappel à l’ordre suffit souvent à résoudre le problème, en signifiant par exemple à l’intéressé que les nuisances susceptibles d’incommoder un ou plusieurs habitants d’un même immeuble sont interdites par le règlement intérieur de la copropriété (l’immense majorité de ces textes comportent des clauses de ce type).
- La mise en demeure
Si la discussion n’est pas suivie d’effet, le plaignant, avec l’appui du syndic, peut adresser une mise en demeure par courrier recommandé au perturbateur afin d’engager sa responsabilité. Cette lettre, éventuellement complétée par le constat d’huissier à faire réaliser si le voisin n’obtempère pas (ou un procès-verbal de police ou de gendarmerie), sert de preuve devant les tribunaux dans l’hypothèse où, faute d’entente possible, une action en justice doit être engagée plus tard.
- La conciliation
Si ces initiatives échouent, l’étape supérieure consiste à rechercher un arrangement à l’amiable par le truchement d’un conciliateur ou d’un médiateur : ce type d’arbitrage, préalable à la saisie des tribunaux, a été rendu obligatoire par la loi de modernisation de la justice (2016) pour certains types de contentieux, dont les conflits de voisinage.
- L’action judiciaire
Si cette tentative ne donne rien, des poursuites en justice sont envisageables, notamment pour solliciter des dommages et intérêts. Les montants réclamés par le demandeur déterminent la juridiction qui sera amenée à trancher : un dossier portant sur des nuisances sera généralement du ressort du tribunal de proximité chargé de régler les litiges inférieurs à 10 000 euros.
Avant d’en arriver-là, rappelons que l’auteur de « tapage nocturne » s’expose -s’il est pris sur le fait par les autorités - à une contravention de troisième classe, soit une amende forfaitaire de 68 euros. Devant le juge, cette sanction peut grimper jusqu’à 450 euros.
Date de mise à jour : 21/09/23
Date de création : 28/12/20